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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/71

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âmes n’ouvre pas assez vite la porte. Elias aurait dû naître en 1460. Il aurait écu, à cette date, parmi ses contemporains, n’aurait paru Singulier à personne et eût trouvé tout le monde charmant. De nos jours le peintre belge Henry Leys n’est-il pas un exemple frappant de ces apparitions tardives ?

Sa place n’est-elle pas marquée parmi le groupe de Lucas de Leyde, de Cranack, de Wolgemuth, de Schoreel et d’Albert Dürer ? Il n’y a chez lui rien de moderne, et croire à une imitation, à un pastiche gothique, ce serait se tromper gravement. Il y a transposition d’époque, dépaysement d’âme, anachronisme ; voilà tout. Ces retours inexpliqués d’anciens motifs causent de piquantes surprises et font une rapide réputation d’originalité aux artistes que leur tempérament y porte. Un homme des générations antérieures reparaît, après un long intervalle, avec des croyances, des préjugés, des goûts disparus depuis plus d’un siècle, qui rappelle une civilisation évanouie.

Elias Wildmanstadius était le symbole de ces résurrections du passé, mais ce n’était nullement un type de fantaisie. Il nous avait été suggéré par un de nos amis du petit cénacle : Célestin Nanteuil, qu’on eût pu appeler « le jeune homme moyen-âge. »

Il avait l’air d’un de ces longs anges thuriféraires ou joueurs de sambucque qui habitent les pignons des cathédrales, et qui serait descendu par la ville au milieu des bourgeois affairés, tout en gardant