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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/72

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son nimbe plaqué derrière la tête, en guise de chapeau, mais sans avoir le moindre soupçon qu’il n’est pas naturel de porter son auréole dans la rue. Vers cette époque de 1850, il pouvait compter de 18 à 19 ans. Il était mince, élancé, fluet comme les colonnes fuselées des nefs du quinzième siècle et les boucles de sa chevelure ne figuraient pas mal les acanthes des chapiteaux. Sa taille spiritualiste s’effilait et semblait vouloir monter vers le ciel avec un redoublement d’ardeur, balançant sa tête comme un encensoir. Son teint était blanc et rose, l’azur des fresques du Fiesole avait fourni le bleu de ses prunelles, ses cheveux d’un blond d’auréole semblaient peints un à un avec l’or des miniaturistes du moyen âge.

Le vers de Barbier dans le Pianto et qui caractérise si bien Raphaël,


Ovale aux longs cheveux sur un long col monté,


n’était pas fait encore, mais que de fois depuis on l’appliqua à Célestin Nanteuil ! La physionomie de cette tête angélique n’exprimait aucune des préoccupations de l’époque. On eût dit que du haut de son pinacle gothique, Célestin Nanteuil dominait la ville actuelle, planant sur l’océan des toits, regardant tournoyer les fumées bleuâtres, apercevant les places comme des damiers, les rues comme des traits de scie dans des bancs de pierre, les passants comme des fourmis ; mais tout cela confusément à