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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/73

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travers l’estompe des brumes, tandis que de son observatoire aérien il voyait en première loge et avec tous leurs détails, les roses de vitraux, les clochetons hérissés de crosses, les rois, les patriarches, les prophètes, les saints, les anges de tous les ordres, toute l’armée monstrueuse des démons ou des chimères, onglée, écaillée, dentue, hideusement ailée ; guivres, taresques, gargouilles, têtes d’âne, museaux de singe, toute la bestiaire étrange du moyen âge.

Comme il était d’un blond de lin, sa barbe future ne produisait le long de ses joues qu’un coton blanc soyeux pareil à un duvet de pêche visible seulement à contre-jour, et il gardait ce sexe indécis des êtres surnaturels composé de l’éphèbe et de la jeune fille. Il avait l’émotion et la pudeur faciles et rougissait aisément. Une longue redingote bleue boutonnée à la poitrine, ayant une coupe de soutane, faisait ressortir la grâce un peu gauche, mais non sans élégance du jeune artiste timide qui devait ressembler aux peintres néo-chrétiens allemands, élèves d’Overbeck et soutenant à Rome la théorie de l’art catholique primitif.

Mais n’allez pas croire que Célestin Nanteuil cherchât le style maigre, émacié, simplifié jusqu’au néant qui semble le comble de l’art religieux à Overbeck. Il ne se condamnait pas aux teintes neutres, grises ou violettes, par esprit de mortification. La couleur ne lui paraissait pas une sensualité coupable, un mirage tentateur. C’était bien un romanti-