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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/74

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que, pittoresque et coloriste et doué d’un sentiment très-vif de ce qu’on appelait alors le moyen âge, à défaut d’une meilleure définition. Mais ce qui s’entendait suffisamment, c’est-à-dire ce qui n’était ni grec ni romain, et prenait place entre le douzième et le seizième siècle.

À ses premiers essais Nanteuil dessinait comme avec des plombs de vitrail et semblait colorier avec une palette de peintre verrier. Pour obtenir des tons plus intenses, il employait des verres teints dans la masse. On peut y appliquer ce qu’un des amis de Joseph Delorme disait de certaines petites ballades de Victor Hugo, la Chasse du Margrave, le Pas d’armes du roi Jean, que ce sont des vitraux gothiques. On voit à tout instant, sur la phrase poétique, la brisure du rhythme comme celle de la vitre sur la peinture. C’est impossible autrement. L’essentiel en ces courtes fantaisies c’est l’allure, la tournure, la dégaîne cléricale, monacale, royale, seigneuriale des personnes et sa haute couleur. On ne saurait dire mieux ni plus juste, et l’apparition des ballades du poète peut servir à l’appréciation des aquarelles du peintre.

Avec une merveilleuse facilité d’appropriation, Célestin s’était assimilé l’anatomie anguleuse des armures, le galbe extravagant des lambrequins, les figures chimériques ou monstrueuses des blasons, les ramages des jupes armoriées, l’attitude hautaine du baron féodal, l’air modeste de la châtelaine, la physionomie papelarde du gros carme chartrier, la