Aller au contenu

Page:Gautier - Isoline et la Fleur Serpent, Charavay frères, 1882.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
102
ISOLINE

Un ciel très doux d’un azur voilé. La mer au contraire du bleu profond des saphirs. Elle est très houleuse, mais joyeusement. Des rondes de vagues blanches dansent autour des îlots, chaque rocher est coiffé d’une mousse éclatante qui saute, court, rampe, s’éparpille en aigrette, en gerbe, croule en cascade de perles, s’envole en fumée. C’est gai, cabriolant, gracieux et rythmé comme par une musique de ballet.

— « L’aimez-vous, la mer, vous marins ? demanda Isoline.

— Elle nous torture et nous ne pouvons nous passer d’elle, répondit-il. Aujourd’hui cependant je la renierais pour vous ; mais elle sera certainement mon tombeau si vous m’abandonnez. »

Ils se regardèrent un moment, lui cherchant à lire au fond de ces yeux, elle avec une sorte d’effroi : elle se souvenait brusquement que le printemps aurait une fin.

Il y eut une sorte de solennité dans cette minute, une inquiétude et comme un pressentiment.

Lorsqu’ils voulurent s’en retourner, l’eau avait entouré la roche : c’était maintenant une île. Que faire ? se déchausser, marcher dans l’eau ? Une pu-