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Page:Gautier - Isoline et la Fleur Serpent, Charavay frères, 1882.djvu/104

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ISOLINE

— La blessure est autre, dit-il, avec un amer sourire. Mais, je vous en prie, partons : ce printemps trop délicieux m’a fait perdre la tête, j’ai peur de moi-même, venez, allons-nous-en. »

Ils retrouvèrent leurs montures et s’éloignèrent lentement, repassant sous l’ombre du chemin creux.

La baie marécageuse était maintenant un beau lac où le vent n’arrivait pas ; l’eau s’étalait douce, unie, avec la courbure d’une feuille de camélia et teintée des nuances les plus délicates de la turquoise mourante. Près d’une chaumière, d’un brun velouté, un grand pommier, qui se penchait follement, appuyait sur le fond lumineux du ciel et de l’eau ses branches noires et ses fleurs roses.

En voyant le soleil descendre rapidement, ils prirent le galop, craignant d’être surpris par la nuit. Ils coupèrent par un chemin plus court, dévorèrent l’espace et virent enfin, au bout de la plaine, Dinan se découper sur la colline dans le ciel encore clair.

On laissa souffler les chevaux un moment.

Une voix qui demandait la charité les fit tressaillir. C’était un vieillard assis sous un petit auvent planté sur deux poutres.

— Ah ! donnez-lui quelque chose, dit Isoline, ce