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ISOLINE

— Le baron est revenu, je l’avais oublié, dit-elle d’une voix agitée, au printemps il reste longtemps à cause des fermiers. On m’a enfermée comme d’habitude ; mais une rage m’a pris, une révolte ; J’ai voulu sortir à tout prix. Je ne veux plus subir cet esclavage, puisque j’ai un ami qui peut me protéger.

— Il vous sauvera, cet ami, dit-il avec émotion ; mais quelle force il aurait si vous le vouliez !

— Comment ?

— En l’aimant non pas comme un frère, mais comme on aime un époux. »

Il parlait très bas, la retenant dans ses bras ; mais elle se dégagea, partageant peut-être ce trouble qui, la veille, ne l’avait pas effleurée.

— « L’horrible crainte de me voir séparée de vous m’a révélé combien vous m’êtes cher, dit-elle, d’une voix presque indistincte. J’ai trouvé une force incroyable pour m’échapper et venir à vous : voyez, je n’ai même pas senti les ronces qui me déchiraient. »

Et elle lui tendit ses jolies mains, toutes saignantes, qu’avec un cri étouffé il essuya de ses lèvres.