Aller au contenu

Page:Gautier - Isoline et la Fleur Serpent, Charavay frères, 1882.djvu/142

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
142
LA FLEUR-SERPENT

sa vie nouvelle, sur sa famille. Elle était tout à fait orpheline maintenant, son père était mort peu après le mariage ; excepté quelques cousins, il ne lui restait personne ; son mari et son enfant, c’est tout ce qu’elle avait à aimer désormais, et cet amour lui emplissait le cœur à le faire déborder.

Elle me parlait en souriant, assise en face de moi sur une chaise basse, le menton appuyé sur une main, dans une pose pleine d’abandon et de grâce. Je la contemplais avec une admiration muette, pensant que l’homme qui avait son amour était bien heureux.

Tout à coup elle poussa un cri, je vis son visage se bouleverser, ses yeux s’agrandir d’épouvante. Je me retournai vivement. Une servante accourait, tenant entre ses bras Pepino qui se tordait en d’affreuses convulsions.

— « Ah ! madame ! madame ! qu’a-t-il donc ? s’écria-t-elle. Il a la bouche toute noire. »

Claudia était comme pétrifiée, sans souffle.

— « Docteur ! » me cria-t-elle, avec une expression déchirante.

Je m’élançai vers le pauvre petit dont les traits contractés n’étaient plus reconnaissables.