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Page:Gautier - Isoline et la Fleur Serpent, Charavay frères, 1882.djvu/146

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LA FLEUR-SERPENT

tait avec la lueur rousse d’une lampe, posée sur une table devant moi ; je finissais d’écrire une lettre, tout en prêtant l’oreille, par moments, au bruit lointain d’une guitare accompagnant une chanson. Aucun détail de cette scène insignifiante, depuis longtemps oubliée, ne me faisait grâce : je cédai malgré moi à l’obsession, et je revis les grands papillons et les insectes de toutes sortes que ma lampe attirait et qui frétillaient jusque sur mon papier, les nuages de fumée que je tirais d’une longue pipe pour me défendre des moustiques, et le verre de limonade glacée dont je humais quelques gorgées à l’aide d’une paille. J’écrivais nonchalamment. Cependant la lettre prit fin ; mais, avant de la fermer, je fis tomber avec soin dans l’enveloppe une pincée de graines, puis je cachetai et je mis l’adresse :

« À monsieur le comte Antonio Scala. »

Tout à coup le but de ce souvenir opiniâtre se révéla ; ces graines enfermées par moi dans la lettre étaient des graines de la Fleur-Serpent ! Oui, c’était bien cela, j’avais oublié cette missive et son contenu. La mémoire m’en revenait cruellement. Je priais Scala de faire semer ces graines dans un coin de son jardin et de me dire si la plante pouvait