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Page:Gautier - Isoline et la Fleur Serpent, Charavay frères, 1882.djvu/171

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LA FLEUR-SERPENT

entendre ses cris de vengeance ! Ah ! je savais bien qu’il nous atteindrait !… »

Leone, qui peu à peu avait perdu le calme du commencement et s’était même exalté jusqu’à la fièvre, cessa de parler et attacha sur son fils mort un regard chargé de détresse. Claudia pleurait sur le cœur de son époux. Ils semblaient avoir complètement oublié ma présence.

J’avais passé, durant ce récit, par des sentiments très divers. L’horreur, la colère qui me bouleversaient avaient fait place, insensiblement, à un intérêt involontaire, à une faiblesse coupable qui me poussait à regretter presque que le crime fût découvert. C’était moi qui avais fourni au mort le moyen de faire surgir sa vengeance du fond de sa tombe ; je n’étais pas loin d’en être fâché. L’amour est une excuse bien puissante, un être possédé par lui n’est certainement plus maître de soi ; s’il est menacé dans sa passion, il défend bien plus que sa vie, et un homme qui défend sa vie n’est-il pas tout pardonné ? Aimé de Claudia, de quoi n’aurais-je pas été capable moi-même ? Toutes ces idées s’agitaient confusément dans le brouhaha de mon cerveau, et étaient bien loin de la netteté avec laquelle je les