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Page:Gautier - Isoline et la Fleur Serpent, Charavay frères, 1882.djvu/220

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L’AUBERGE

— « C’est prêt ! c’est prêt ! »

Et tout le monde se rassembla, s’accroupit en rond, et l’on s’arma de petits bâtonnets, de laque ou d’ivoire, que l’on tient d’une seule main et que l’on fait manœuvrer comme des pinces. Chacun attaqua le repas.

Boïtoro était très gai ; il riait et plaisantait avec son futur beau-frère, tout en dévorant des yeux la belle Yamata. Mizou, elle aussi, semblait heureuse : elle regardait Mïodjin en dessous avec des demi-sourires ; mais celui-ci, pâle et silencieux, tenait ses regards obstinément baissés et mangeait à peine.

Yamata, elle non plus, ne mangeait rien.

Fûten avait dit quelques mots à l’oreille de la chanteuse de légendes qui avait accordé son biva et chantait maintenant des vers qu’elle improvisait. Ces vers se rapportaient aux préoccupations secrètes de tous ; ils parlaient de jeunes gens, assis sur l’herbe, dînant ensemble pour la première fois. Songeant au repas de famille qui rassemble chaque jour ceux qui s’aiment, ils buvaient du saké dans des tasses emmaillotées de paille, mais pensaient qu’il serait plus doux de vider le joli vase à deux goulots où l’on boit le jour des noces.