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Page:Gautier - Isoline et la Fleur Serpent, Charavay frères, 1882.djvu/66

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ISOLINE

Elle le regretta, ayant fini par s’accoutumer à lui, et puis dans le vide de son existence le travail était presque une distraction.

Elle était grandelette maintenant, atteignait dix ans. Marie lui apprit toujours en secret un peu de couture et le grand art du tricot ; mais ces travaux ennuyèrent Isoline. Un peu de gaîté lui était revenue : elle gaminait au bord de la Rance, sur les rochers glissants, allant pêcher avec Damont sous les averses et les coups de vent ; mais elle restait sauvage comme une bête des bois ; c’étaient des courses folles lorsqu’elle apercevait au loin un passant, et si quelqu’un entrait dans la chaumière, elle se cachait dans l’armoire.

Un soir elle laissa passer l’heure du dîner et, lorsqu’elle rentra, trouva le couvert ôté et tout en place. Elle se plaignit à Mathurin :

— « Les repas seront servis à heure fixe, » dit-il en s’inclinant et en montrant du doigt la pancarte.

Elle s’alla coucher à jeun et le lendemain goûta au lait aigre et à la galette de sarrasin, à moitié crue, des Damont. Cette nourriture lui donna des nausées et depuis lors elle s’efforça d’être exacte. Lorsque le vent du sud soufflait, elle entendait la cloche