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ISOLINE

de chez Marie ; elle prenait sa course alors et arrivait à temps ; quelquefois elle manquait le potage. L’intendant, en habit noir, automatique, servait, elle absente, comme si elle eût été là. Il lui arriva de ne venir qu’au dessert et alors elle se bourrait de fromage.

À quinze ans elle s’attrista tout à coup, devint rêveuse et inquiète, voulut connaître le secret de son existence et tortura Marie pour le lui arracher.

Elle guetta la visite annuelle du baron, cet homme qui était son père et qui jamais ne l’avait vue.

Il arrivait le soir à la nuit tombée : les deux battants du portail s’ouvraient pour laisser entrer sa voiture. Isoline, sans lumière dans sa chambre, collait son visage aux vitres, voyait briller les lanternes, puis Mathurin s’avançait, obséquieux, Un homme grand, vêtu de noir, descendait et entrait dans la maison ; il allait occuper une chambre au premier étage qui, pendant son absence, restait fermée. On tirait alors de la voiture des caisses qui semblaient légères.

Une heure plus tard les vitraux de la petite chapelle, dont le baron seul avait la clé, s’illuminaient,