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Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/101

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portant sur des panneaux deux corps recouverts.

Elle s’avance, tranquille, prête au service.

— Faut-il préparer des lits ?

Un sous-officier répond, par gestes :

— Accident. Un mort. L’autre vit.

Il découvre un corps. Dans la lumière des grandes lanternes de bronze, le visage apparaît, tout bleu, la bouche contractée par un râle effroyable. Et deux yeux durs restent ouverts et fixes, pleurant du sang.

Elle regarde ce masque de douleur avec un geste doux d’apitoiement professionnel. De la main, un homme indique l’autre forme, immobile sous le manteau : celui-là, une bouillie ; la cervelle éclatée ; pas beau à voir…

La procession se remet en marche, lourdement, à travers les mosaïques et les marbres des vestibules.

Elle aide pieusement à étendre le blessé, assiste le chirurgien qui le visite en secouant la tête. La fraîche infirmerie est muette sous le grand râle solennel.

— Commotion au cœur. C’est fini.

Alors, elle reste penchée sur l’homme qui n’est plus un ennemi, qui n’est plus qu’un mourant, tenant le tampon d’éther aux narines pincées, essuyant la sueur qui coule du front pâle. Et elle