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Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/38

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de l’écriture sainte.

que nous avons en nos Écritures ; malgré qu’un si long intervalle de temps se soit écoulé, jamais personne n’a été assez osé pour y ajouter, en retrancher, ou y changer la moindre chose ; car c’est un sentiment gravé dans le cœur des Juifs, dès la première enfance, qu’elles doivent être regardées comme des enseignements divins (θεοῦ δόγματα), qu’il faut suivre constamment, et pour lesquels il faudrait même donner sa vie, si ce sacrifice devenait nécessaire. »

Philon n’est pas moins clair et moins positif. Il est impossible de lire une page quelconque de ses ouvrages sans y voir Moïse désigné sous le nom de prophète, homme envoyé de Dieu (θεσπέσισος ἀνὴρ), hiérophante etc., et le Pentateuque sous ceux des écritures sacrées, livres sacrés, discours sacrés, discours prophétique, parole de Dieu, oracle divin, qualification que Philon donne également aux autres écrivains sacrés, aussi bien qu’à leurs ouvrages. Or, le même écrivain nous explique clairement ce que lui et sa nation entendaient parle mot prophète : « Les prophètes de Dieu, dit-il, sont des interprètes par les organes desquels il fait connaître ses volontés[1]. » Le texte est plus formel encore : il porte à la lettre « que Dieu se sert de leurs organes comme d’un instrument (καταχρωμένου τοῑς ἐκείνων ὀργάνοις) ; » et ailleurs : « Un prophète ne produit rien de lui-même, il est seulement l’interprète d’un autre qui lui suggère (ὑποβάλλοντος) tout ce qu’il dit. Tant qu’il est sous l’empire de l’inspiration divine (ἐνθουσιᾷ γεγονὼς), il reste étranger à toute autre chose, parce que sa raison s’est retirée pour faire place à l’esprit de Dieu (τοῦ θείου πνεύματος), qui est venu s’emparer de son âme, mettre en mouvement tous les organes de la voix, et les rendre propres à exprimer clairement et distinctement ce qu’il doit prophétiser[2]. » Il dit encore dans un autre endroit : « Le prophète n’est que l’interprète de Dieu, qui lui dicte intérieurement ses oracles[3]. » Pour abréger, nous nous bornons à ces passages, qui prouvent suffisamment que les Juifs croyaient tous leurs livres divinement inspirés, c’est-à-dire écrits avec le concours positif et réel de la Divinité.

Il est encore des témoins irrécusables de cette croyance des Juifs à l’inspiration de leurs livres. Nous lisons dans le second des Machabées^ que la loi est sainte, et qu’elle a Dieu pour auteur[4], que les livres re-


    texte, fondé sur ce qu’il se trouve rapporté dans ce même passage, tel que le cite Eusèbe (Hist. Eccl. l. x). Cette correction est d’autant plus juste et plus naturelle, que sans le mot θεῐκ le reste de la phrase devient fort obscur. Aussi Jahn, Einleit. Theil. i, S. 127, zwei, Aufl. I ; Eichborn, Einleit. Theil. I, S. 144. viert. Aufl., et autres critiques, l’ont admise sans réclamation.

  1. De monarchiâ, l. I. Tom. II, p., édit. de Th. Mangey.
  2. De specialib. legibus. Tom. II
  3. De præmiis et pœnis. Tom. II, P. 417.
  4. 2 Mac. VI, 23.