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Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/64

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de l’écriture sainte.

proprement règle, loi ; mais comme on le trouve souvent employé, même par les anciens auteurs profanes, dans le sens de catalogue, recueil, les interprètes prétendent, les uns, qu’on a donné ce nom aux livres sacrés parce qu’ils sont la règle de notre foi ; les autres, parce que ces livres forment le catalogue ou recueil sacré. Les deux opinions ne sont pas sans avoir quelques preuves chacune en sa faveur. D’abord il est incontestable que l’Ecriture sainte sert de règle à notre foi. Ajoutons que saint Irénée en parlant de l’Evangile de saint Jean, l’appelle règle de la vérité (κανόνα τῆς ἀληθείας)[1]. Saint Isidore de Péluse applique cette même expression aux livres saints en général[2]. Or cette expression paraît empruntée d’un passage de saint Paul qui a rapport à la doctrine et à la révélation divine[3]. Ainsi, dans cette opinion, le mot canon serait synonyme de livres canoniques, c’est-à-dire livres contenant la règle par excellence, la vraie religion. D’un autre côté, il semble que les livres sacrés n’ont été appelés canoniques qu’à cause du catalogue dans lequel ils étaient contenus, « comme le catalogue des Cleres, dit Ellies Dupin[4], est appelé canon dans le Concile de Laodicée, chapitre xxiv, aussi bien que celui des évêques et des fidèles défunts, par les écrivains ecclésiastiques. Quoique ce nom soit grec, poursuit Dupin, il est plus en usage chez les Latins que chez les Grecs, qui emploient souvent ceux de catalogue (κατάλος), exposition (ἔκθεσις), nombre (ἄριθμος). » Mais quelle que soit la signification qu’on ait pu attacher au mot canon, en vertu de son étymologie, on prend généralement dans le sens de recueil, catalogue, toutes les fois qu’on s’en sert dans la question de la canonicité qui nous occupe en ce moment, de même qu’on prend l’expression livre canonique dans le sens de livre qui fait partie du recueil sacré.

2. Les ennemis de la révélation ont mis dans ces derniers temps sur- tout une ardeur incroyable à combattre la canonicité des Ecritures ; sans parler de T. Hobbes et de Spinosa, qui ont soutenu sur le Canon des opinions aussi fausses que dangereuses[5], J. S. Semler, qu’on peut regarder comme le père des rationalistes, et après lui Corrodi, ont abusé d’une manière étrange de leur profonde érudition pour établir des principes qui ruinent de fond en comble la divinité, et par suite la canonicité des livres saints[6].

Assez récemment des théories plus ou moins contraires à la vérité historique du Canon ont été mises en avant par Bertholdt, De Wette,

  1. Adv. hœres. lIII, cxi.
  2. Epist. cxiv.
  3. Galat. VI, 16, où Théodoret explique le mot κανὼν par διδασκαλία, et Œcumenius par διδαχή.
  4. Dissert. prélim. sur la Bible, l. I, ch. 1, § 2, note.
  5. Hobb. Leviathan. Spinosa, Tractat. theolog. polit. cx, xi.
  6. Comparez ce qui a été dit sur ce sujet, pag. 15.