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églises se servaient de ces fragments, qu’elles lisaient comme des livres divins ; qu’il ne faut pas se conformer aux Juifs et recevoir de ces infidèles la pure parole de Dieu[1]. La même vérité se trouve confirmée par saint Irénée, Tertullien, Eusèbe, saint Clément d’Alexandrie, saint Epiphane, etc.[2]

5. On doit accorder à l’Eglise de Jésus-Christ une autorité au moins égale à celle de la Synagogue. Or, la Synagogue avait le droit de proposer un Canon des livres saints, puisque les protestants mêmes que nous combattons, reçoivent avec tant de respect tous les livres reconnus par cette ancienne Eglise. « Il est donc constant et indubitable, dit judicieusement Martianay, qu’il appartient à l’Eglise de déclarer quels livres les fidèles doivent recevoir au nombre des saintes Ecritures ; et ceux qui, par un pur caprice, refusent aujourd’hui de lui donner cette autorité, sont obligés, ou de rejeter le Canon de l’Eglise juive, ou de dire qu’elle a de grands avantages sur l’Eglise chrétienne dans les points fondamentaux de la foi et de la religion. Car enfin, les protestants peuvent-ils reconnaître et recevoir comme divins les livres du Canon des Juif, sans reconnaître en même temps l’autorité de la Synagogue, qui en a fait le recueil et le catalogue ? Et s’ils attribuent ce pouvoir à la Synagogue, en le refusant à l’Église nouvelle, n’est-ce pas dire hautement que l’Eglise de Jésus-Christ est inférieure à l’ancienne Église, et qu’elle ne lui a point succédé dans le droit de déclarer les Ecritures canoniques ? Et que servira donc à l’Eglise nouvelle d’avoir été formée par la bouche du Fils de Dieu même ; d’avoir été lavée dans le sang de l’Agneau ; et d’avoir reçu toute la plénitude des lumières et des dons du Saint-Esprit ? Que deviendront, dis-je, toutes ces grâces et ces prérogatives de l’Eglise chrétienne, si l’on prétend qu’elle est inférieure à la Synagogue dans les choses les plus essentielles de la créance et de la religion, telles que sont la déclaration des livres sacrés, et l’autorité d’en faire le recueil ? Ouvrons donc les yeux à la raison et aux autres lumières de la foi, et ne soyons pas si aveugles et si entêtés que de disputer à l’Eglise chrétienne un droit que nous avons accordé à la Synagogue en recevant son Canon des livres sacrés[3]. »

  1. Orig. Epist. contra Africanum. Tom. I. pag. 15-17.
  2. Iræn. Adv. hœres. l. III, c. i, ii, xi. Tertull. lib. de Pudicitia. Euseb. Hist. l.iv. c. xxiv, xxv. l. vi. c. xii, xxv. Clem. Alex. Strom. l. III. Epiph. Hœres. 42.
  3. J. Martianay, IIe Traité du Canon des livres de la sainte Ecriture, etc. pag. 250 et suiv.