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Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/95

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de la canonicité.

d’ouvrage purement profane. Ainsi le Canon des Ecritures, qui doit être une règle fixe et invariable, variera suivant le caprice des sectes innombrables qui peuvent s’élever dans l’Eglise. Ces raisons suffiraient sans doute pour prouver que c’est à l’Eglise seule qu’il appartient de proposer un Canon des livres saints ; mais son autorité sur ce point s’appuie sur des motifs non moins puissants.

3. On ne peut raisonnablement contester à l’Eglise une autorité qu’elle a exercée dans tous les temps. Or, c’est de ses propres mains que les fidèles ont toujours reçu le dépôt sacré des Ecritures. Ce sont ses décrets qui dans toutes les circonstances ont mis fin aux différends que les hérétiques ou même quelques catholiques ont élevés sur la canonicité de certains livres. Tous les Canons des Ecritures ont été donnés ou par des conciles généraux et particuliers, ou par les souverains pontifes. Et l’autorité de l’Eglise en cette matière est si incontestable, que le concile de Tolède, tenu en 400, va jusqu’à frapper d’anathème quiconque admettrait comme canoniques d’autres Ecritures que celles qui sont admises par Eglise : « Si quis dixerit vel crediderit alias Scripturas esse canonicas, præter eas quas Ecclesia catholica recipit, anathema sit. »

4. Cette autorité de Eglise a été reconnue par les saints pères. Saint Augustin en particulier avoue qu’il n’ajouterait point foi au livre des Evangiles, si l’autorité de l’Eglise ne l’y engageait point[1]. Il dit encore en faveur des Actes des Apôtres, qu’il est obligé indispensablement d’ajouter foi à ce livre et de le regarder comme divin, de même que le livre des Evangiles, à cause que l’Eglise catholique rend un égal témoignage à toutes ces Ecritures[2].

Saint Jérôme, comme l’a justement remarqué D. Martianay[3], s’est aussi déclaré pour ce droit naturel que l’Eglise catholique a eu de tout temps à l’égard du Canon des saintes Ecritures ; il est remarquable qu’après que ce savant père a tant de fois exclu du Canon le livre de Judith, il n’a pas laissé néanmoins de le regarder avec respect et de le traduire même du chaldéen en latin, parce qu’on lisait que le concile de Nicée l’avait mis au nombre des livres sacrés : « Sed quia hunc librum synodus Nicæna legitur computasse, acquievi postulationi vestræ[4]. »

Longtemps auparavant, Origène, voulant venger l’autorité divine des fragments d’Esther contre Africanus, donne pour raison que toutes les

  1. « Ego vero Evangelio non crederem, nisi me Ecclesiæ catholicæ commo veret auctoritas (Aug. Contra Epist. fund. c. V, n. 8, tom. VIII). »
  2. « Actuum Apostolorum libro necesse est me credere, si credo Evangelio ; quoniam utramque Scripturam similiter mihi catholica commendat auctoritas (Ibid.). »
  3. J, Martianay, IIe Traité du Canon des livres de la sainte Ecriture, etc., pag. 248.
  4. Hier, Prœf. in Lib. Judith.