Aller au contenu

Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
73
de l’écriture sainte.

ticuliers, ou enfin le consentement unanime des sectes, qui doit nous faire connaître quels sont les livres canoniques. Mais d’abord ce n’est pas le caractère d’évidence que porte le livre lui-même qui peut faire juger de sa canonicité ; car il est des livrés incontestablement canoniques aux yeux mêmes des protestants, qui sont loin d’offrit ce caractère, que portent cependant d’autres livres rejetés par eux hors du Canon sacré. Si, par exemple, on comparait les Paralipomènes avec la Sagesse, en ne consultant que ce caractère d’évidence, ne serait-on pas forcé par l’évidence elle-même de reconnaître que le premier de ces ouvrages, qui ne renferme presque que des généalogies, est bien inférieur à ce dernier, si remarquable non-seulement par l’élévation des pensées, mais encore par les maximes d’une morale si pure, si belle, dont il est rempli ; et d’avouer que rien dans les Paralipomènes, considérés seulement en eux-mêmes, n’indique l’inspiration divine ?

Ce ne sont pas non plus les particuliers, ils en sont incapables ; la plupart d’entre eux, entièrement ignorants, ne sauraient résoudre les questions d’où dépend l’inspiration des livres saints. Ce soin exige évidemment qu’on examine la tradition, l’usage des églises, les écrits des saints pères qui ont cité ces livres ; or cet examen est hors de la portée de la plupart des fidèles. D’ailleurs, comme il n’y a qu’une foi, il faut aussi qu’il n’y ait qu’une règle pour la déterminer ; or, si les particuliers étaient chargés de déterminer les livres qui doivent être la règle de notre foi, comme ils ne s’accorderaient pas entre eux, il y aurait une foule de règles différentes, et par conséquent manque d’unité.

Le consentement unanime des sectes offre des inconvénients qui ne sont pas moins graves. Si en effet la canonicité d’un livre dépendait de la fantaisie des différentes sectes, qui peuvent se multiplier jusqu’à l’infini, il s’ensuivrait une incertitude effroyable dans la doctrine. Il faudrait, par exemple, rejeter aujourd’hui ce qu’on regardait hier comme la parole de Dieu, parce qu’il plairait à une secte extravagante de le rejeter. Il s’ensuivrait encore qu’il faudrait rejeter presque toute l’Ecriture ; puisque enfin les sectaires qui ont précédé les protestants n’ont pas admis tout ce que ceux-ci reçoivent comme Ecriture sainte. C’est ainsi qu’il faudra repousser du Canon l’Evangile de saint Matthieu et les Epîtres de saint Paul, que les ébionites n’admettaient point ; tout le Psautier, puisque les gnostiques n’en voulaient point ; les cinq livres de Moïse, vu qu’il a plu aux ptolémaïstes de les retrancher du Canon ; les Epîtres de saint Paul à Tite, à Timothée et aux Hébreux, qui n’ont pas trouvé grâce aux yeux des marcionites ; l’Evangile de saint Jean et l’Apocalypse, rejetés par les aloges ; les Actes des Apôtres, traités de fables par les sévériens ; et enfin les Proverbes, l’Ecclésiaste, Job, le Cantique des cantiques, parce que Théodore de Mopsueste, qui a eu autrefois tant de partisans, a nié l’inspiration de ses livres, et qu’il à traité le dernier