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Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/143

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coup, nous pourrions nous remuer encore comme bien d’autres. Mon père nous a laissé un joli avoir, une petite maison et un jardin à l’entrée de la ville. Cependant, je mène en ce moment des jours assez paisibles ; mon frère est soldat ; ma petite sœur est morte : cette enfant me donnait bien du mal ; cependant j’en prenais volontiers la peine ; elle m’était si chère !

FAUST.

Un ange, si elle te ressemblait.

MARGUERITE.

Je l’élevais, et elle m’aimait sincèrement. Elle naquit après la mort de mon père ; nous pensâmes alors perdre ma mère, tant elle était languissante ! Elle fut longtemps à se remettre, et seulement peu à peu, de sorte qu’elle ne put songer à nourrir elle-même la petite créature, et que je fus seule à l’élever en lui faisant boire du lait et de l’eau ; elle était comme ma fille. Dans mes bras, sur mon sein, elle prit bientôt de l’amitié pour moi, se remua et grandit.

FAUST.

Tu dus sentir alors un bonheur bien pur !

MARGUERITE.

Mais certes aussi bien des heures de trouble. Le berceau de la petite était la nuit près de mon lit ; elle se remuait à peine, que je m’éveillais ; tantôt il fallait la faire boire, tantôt la placer près de moi ; tantôt, quand elle ne se taisait pas, la mettre au lit, et aller çà et là dans la chambre en la faisant danser. Et puis, de grand matin, il fallait aller au lavoir, ensuite aller au marché et revenir au foyer ; et toujours ainsi, un jour comme l’autre. Avec une telle existence, monsieur, on n’est pas toujours réjouie ; mais on en savoure mieux la nourriture et le repos.

Ils passent.
MARTHE.

Les pauvres femmes s’en trouvent mal pourtant ; il est difficile de corriger un célibataire.