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Page:Hugo Œuvres complètes tome 5.djvu/26

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et il me semble que je vous ferais injure d’en douter, sera un blâme manifeste, quoique indirect, de la censure et de la confiscation. Vous voyez, Messieurs, combien l’horizon de la cause s’élève et s’élargit. Je plaide ici pour quelque chose de plus haut que mon intérêt propre ; je plaide pour mes droits les plus généraux, pour mon droit de penser et pour mon droit de posséder, c’est-à-dire pour le droit de tous. C’est une cause générale que la mienne, comme c’est une équité absolue que la vôtre. Les petits détails du procès s’effacent devant la question ainsi posée. Je ne suis plus simplement un écrivain, vous n’êtes plus simplement des juges consulaires. Votre conscience est face à face avec la mienne. Sur ce tribunal vous représentez une idée auguste, et moi, à cette barre, j’en représente une autre. Sur votre siège il y a la justice, sur le mien il y a la liberté.

» Or, la justice et la liberté sont faites pour s’entendre. La liberté est juste et la justice est libre.

» Ce n’est pas la première fois, M. Odilon-Barrot vous l’a dit avant moi, Messieurs, que le tribunal du commerce aura été appelé à condamner, sans sortir de sa compétence, les actes arbitraires du pouvoir. Le premier tribunal qui a déclaré illégales les ordonnances du 25 juillet 1830, personne ne l’a oublié, c’est le tribunal du commerce. Vous suivrez, Messieurs, ces mémorables antécédents, et, quoique la question soit bien moindre, vous maintiendrez le droit aujourd’hui, comme vous l’avez maintenu alors ; vous écouterez, je l’espère, avec sympathie, ce que j’ai à vous dire ; vous avertirez par votre sentence le gouvernement qu’il entre dans une voie mauvaise, et qu’il a eu tort de brutaliser l’art et la pensée ; vous me rendrez mon droit et mon bien ; vous flétrirez au front la police et la censure qui sont venues chez moi, de nuit, me voler ma liberté et ma propriété avec effraction de la Charte.

» Et ce que je dis ici, je le dis sans colère ; cette réparation que je vous demande, je la demande avec gravité et modération. À Dieu ne plaise que je gâte la beauté et la bonté de ma cause par des paroles violentes ! Qui a le droit a la force, et qui a la force dédaigne la violence.