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Page:Hugo Œuvres complètes tome 5.djvu/27

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» Oui, Messieurs, le droit est de mon côté. L’admirable discussion de M. Odilon-Barrot vous a prouvé victorieusement qu’il n’y a rien dans l’acte ministériel qui a défendu le Roi s’amuse que d’arbitraire, d’illégal et d’inconstitutionnel. En vain essaierait-on de faire revivre pour attribuer la censure au pouvoir une loi de la terreur, une loi qui ordonne en propres termes aux théâtres de jouer trois fois par semaine les tragédies de Brutus et de Guillaume Tell, de ne monter que des pièces républicaines et d’arrêter les représentations de tout ouvrage qui tendrait, je cite textuellement, à dépraver l’esprit public et à réveiller la honteuse superstition de la royauté. Cette loi, Messieurs, les appuis actuels de la royauté nouvelle oseraient-ils bien l’invoquer, et l’invoquer contre le Roi s’amuse ? N’est-elle pas évidemment abrogée dans son texte comme dans son esprit ? Faite pour la terreur, elle est morte avec la terreur. N’en est-il pas de même de tous ces décrets impériaux, d’après lesquels, par exemple, le pouvoir aurait non-seulement le droit de censurer les ouvrages de théâtre, mais encore la faculté d’envoyer, selon son bon plaisir et sans jugement, un acteur en prison ? Est-ce que tout cela existe à l’heure qu’il est ? Est-ce que toute cette législation d’exception et de raccroc n’a pas été solennellement raturée par la Charte de 1830 ? Nous en appelons au serment sérieux du 9 août. La France de juillet n’a à compter ni avec le despotisme conventionnel ni avec le despotisme impérial. La Charte de 1830 ne se laisse bâillonner ni par 1807 ni par 93.

» La liberté de la pensée, dans tous ses modes de publication, par le théâtre comme par la presse, par la chaire comme par la tribune, c’est là, Messieurs, une des principales bases de notre droit public. Sans doute, il faut pour chacun de ces modes de publication une loi organique, une loi répressive et non préventive, une loi de bonne foi, d’accord avec la loi fondamentale, et qui, en laissant toute carrière à la liberté, emprisonne la licence dans une pénalité sévère. Le théâtre en particulier, comme lieu public, nous nous empressons de le déclarer, ne saurait se soustraire à la surveillance légitime de l’autorité municipale. Eh bien ! Messieurs, cette loi sur les théâtres, cette loi plus facile à faire