Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/290

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Ami, le voyageur que vous avez connu,
Et dont tant de douleurs ont mis le cœur à nu,
Monta, comme le soir s’épanchait sur la terre,
Triste et seul, dans la tour lugubre et solitaire ;
Tour sainte où la pensée est mêlée au granit,
Où l’homme met son âme, où l’oiseau fait son nid !
Il gravit la spirale aux marches presque usées,
Dont le mur s’entr’ouvrait aux bises aiguisées,
Sans regarder les toits amoindris sous ses pieds ;
Puis entra sous la voûte aux arceaux étayés,
Où la cloche, attendant la prière prochaine,
Dormait, oiseau d’airain, dans sa cage de chêne !
Vaste et puissante cloche au battant monstrueux !
Un câble aux durs replis chargeait son cou noueux.
L’œil qui s’aventurait sous sa coupole sombre
Y voyait s’épaissir de larges cercles d’ombre.
Les reflets sur ses bords se fondaient mollement.
Au fond tout était noir. De moment en moment
Sous cette voûte obscure où l’air vibrait encore
On sentait remuer comme un lambeau sonore.
On entendait des bruits glisser sur les parois,
Comme si, se parlant d’une confuse voix,
Dans cette ombre, où dormaient leurs légions ailées,
Les notes chuchotaient à demi réveillées.
Bruits douteux pour l’oreille et de l’âme écoutés !
Car même en sommeillant, sans souffle et sans clartés,
Toujours le volcan fume et la cloche soupire ;
Toujours de cet airain la prière transpire,