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                       XXXIX

Oh ! si vous rencontrez quelque part sous les cieux
Une femme au front pur, au pas grave, aux doux yeux,
Que suivent quatre enfants dont le dernier chancelle,
Les surveillant bien tous, et, s’il passe auprès d’elle
Quelque aveugle indigent que l’âge appesantit,
Mettant une humble aumône aux mains du plus petit ;
Si, quand la diatribe autour d’un nom s’élance,
Vous voyez une femme écouter en silence,
Et douter, puis vous dire : — Attendons pour juger.
Quel est celui de nous qu’on ne pourrait charger ?
On est prompt à ternir les choses les plus belles.
La louange est sans pieds et le blâme a des ailes. —
Si, lorsqu’un souvenir, ou peut-être un remords,
Ou le hasard vous mène à la cité des morts,
Vous voyez, au détour d’une secrète allée,
Prier sur un tombeau dont la route est foulée,
Seul avec des enfants, un être gracieux
Qui pleure en souriant comme l’on pleure aux cieux ;
Si de ce sein brisé la douleur et l’extase
S’épanchent comme l’eau des fêlures d’un vase ;
Si rien d’humain ne reste à cet ange éploré ;
Si, terni par le deuil, son œil chaste et sacré,
Bien plus levé là-haut que baissé vers la tombe,
Avec tant de regret sur la terre retombe
Qu’on dirait que son cœur n’a pas encor choisi
Entre sa mère au ciel et ses enfants ici ;
Quand, vers Pâque ou Noël, l’église, aux nuits tombantes,
S’emplit de pas confus et de cires flambantes,
Quand la fumée en flots déborde aux encensoirs
Comme la blanche écume aux lèvres des pressoirs,
Quand au milieu des chants d’hommes, d’enfants, de femmes,