Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XII.djvu/67

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Les mâchoires de l'hydre entre ses poings tenaces,
Gladiateur géant du cirque des fléaux,
Ayant à déblayer tout l'antique chaos,
Ce grand Quatrevingt-treize a fait ce qu'il dut faire;
Mais nous qui respirons l'idéale atmosphère,
Nous sommes d'autres coeurs; les temps fatals sont clos;
Notre siècle, au-dessus du vieux niveau des flots,
Au-dessus de la haine, au-dessus de la crainte,
Fait sa tâche; il construit la grande Babel sainte;
Dieu laisse cette fois l'homme bâtir sa tour.
La république doit s'affirmer par l'amour,
Par l'entrelacement des mains et des pensées,
Par tous les lys s'ouvrant à toutes les rosées,
Par le beau, par le bon, par le vrai, par le grand,
Par le progrès debout, vivant, marchant, flagrant,
Par la matière à l'homme enfin libre asservie,
Par le sourire auguste et calme de la vie,
Par la fraternité sur tous les seuils riant,
Et par une blancheur immense à l'orient.

Après le dix août superbe, où dans la brume
Sous le dernier éclair le dernier trône fume,
Après Louis, martyr de son hérédité,
Roi que brise la France en mal de liberté,
Après cette naissance, après cette agonie,
Toute l'oeuvre tragique et farouche est finie.
L'ère d'apaisement suit l'ère de terreur.

Le droit n'a pas besoin de se mettre en fureur,
Et d'arriver les mains pléines de violences,
Et de jeter un glaive au plateau des balances;
Il paraît, on tressaille; il marché, on dit C'est Dieu.

Mort à la mort! Au:feu la loi sanglante! au feu
Le vieux koran de fer, l'affreux code implacable
Qui tord l'irrémissible avec l'irrévocable,