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Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/179

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Le babil puéril dans le ciel bleu s'enfonce, Puis s'en revient, avec les hésitations Du moineau qui verrait planer les alcyons. Nous appelons cela bégaiement ; c'est l'abîme Où, comme un être ailé qui va de cime en cime, La parole, mêlée à l'éden, au matin, Essayant de saisir là-haut un mot lointain, Le prend, le lâche, cherche et trouve, et s'inquiète. Dans ce que dit l'enfant le ciel profond s'émiette. Quand l'enfant jase avec l'ombre qui le bénit, La fauvette, attentive, au rebord de son nid Se dresse, et ses petits passent, pensifs et frêles, Leurs têtes à travers les plumes de ses ailes ; La mère semble dire à sa couvée : Entends, Et tâche de parler aussi bien. — Le printemps, L'aurore, le jour bleu du paradis paisible, Les rayons, flèches d'or dont la terre est la cible, Se fondent, en un rhythme obscur, dans l'humble chant De l'âme chancelante et du cœur trébuchant. Trébucher, chanceler, bégayer, c'est le charme De cet âge où le rire éclôt dans une larme. Ô divin clair-obscur du langage enfantin ! L'enfant semble pouvoir désarmer le destin ; L'enfant sans le savoir enseigne la nature ; Et cette bouche rose est l'auguste ouverture D'où tombe, ô majesté de l'être faible et nu ! Sur le gouffre ignoré le logos inconnu. L'innocence au milieu de nous, quelle largesse !