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Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/288

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Oh ! certes, je voudrais qu'au ténébreux passage
Mon cercueil, esquif sombre, eût pour pilote un sage,
Un pontife, un apôtre, un auguste songeur,
Un mage, ayant au front l'attente, la rougeur
Et l'éblouissement de la profonde aurore ;
Je voudrais qu'à la fosse où meurt le rien sonore,
Un sénateur du vrai, du réel, un magnat
Du sépulcre, un docteur du ciel, m'accompagnât ;
Oui, je réclamerais cette sainte prière !
Devant la formidable et noire fondrière,
Oui, je trouverais bon que pour moi, loin du bruit,
Une voix s'élevât et parlât à la nuit !
Car c'est l'heure où se fend du haut en bas le voile ;
C'est dans cette nuit-là que se lève l'étoile !
Je le voudrais ! et rien ne me serait meilleur
Qu'une telle prière après un tel malheur,
Ma vie ayant été dure et funèbre, en somme.
Mais, ô Toi ! dis, réponds, parle. Est-ce que cet homme
Qui sait mal, et qui fait exprès de mal savoir,
Qui pour un dogme obscur déserte un clair devoir,
Qui prêche le miracle et rit du phénomène,
Mal penché sur l'angoisse et sur l'énigme humaine,
Qui, d'un côté bassesse et de l'autre fureur,
Flétrit l'escroc forçat et l'adore empereur,
Qui dit au genre humain : Malheur, si tu raisonnes !
Qui damne et ment, qui met l'abîme en trois personnes,
Qui rêve un univers petit, sinistre et noir,
Fait de notre seul globe, et qui ne veut pas voir