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Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/307

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L'aube, se fermerait ; on verrait la mort naître. L'immense mort de tout. France, l'extinction De Ninive, de Tyr, d'Athènes, de Sion, Rome oubliant son nom, Thèbes perdant sa forme, Ne seraient rien auprès de ton éclipse énorme. Le passé monstrueux se dresserait debout. Ce cadavre crierait : — J'existe. Éteignez tout. Plus de flambeaux. Vivez, spectres. La France est morte ! — Alors, ô cieux profonds ! l'ombre ouvrirait sa porte ; On verrait revenir toute l'antique horreur, Les larves, l'ancien pape et l'ancien empereur, Tous les forfaits sacrés, toutes les basses gloires, Les sanglants constructeurs des religions noires, Arbuez, l'âme terrible où se réfugia L'affreux dogme sorti de l'antre à Borgia, Bossuet bénissant Montrevel, les bastilles Faisant comme des dents grincer leurs sombres grilles ; Ces masques, Loyola, de Maistre, dont l'œil luit, Tomberaient, laissant voir ce visage, la nuit ; Alors reparaîtraient Cisneros, Farinace, Louvois, Maupeou, la vieille autorité tenace Sous qui rampe la foule aux confuses rumeurs ; Et ces lugubres lois, et ces lugubres mœurs Qui livrent aux bûchers l'Italie et l'Espagne, Jettent au cabanon Colomb, mettent au bagne Des peuples tout entiers, juifs ou bohémiens, Et qui font Louis-quinze assassin de Damiens.


                            LE POËTE