Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/329

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Il était plus que pris ; il était envahi.
Dieu ! comme il haïssait ! comme il était haï !
Comme il les eût, vainqueur, fusillés tous ! — Qu'il meure !
Il nous criblait encor de balles tout à l'heure !
À bas cet espion, ce traître, ce maudit !
À mort ! c'est un brigand ! — Soudain on entendit
Une petite voix qui disait : — C'est mon père !
Et quelque chose fit l'effet d'une lumière.
Un enfant apparut. Un enfant de six ans ;
Ses deux bras se dressaient suppliants, menaçants.
Tous criaient : — Fusillez le mouchard ! Qu'on l'assomme !
Et l'enfant se jeta dans les jambes de l'homme,
Et dit, ayant au front le rayon baptismal :
— Père, je ne veux pas qu'on te fasse de mal !
Et cet enfant sortait de la même demeure.
Les clameurs grossissaient : — À bas l'homme ! Qu'il meure !
À bas ! finissons-en avec cet assassin !
Mort ! — Au loin le canon répondait au tocsin.
Toute la rue était pleine d'hommes sinistres.
— À bas les rois ! À bas les prêtres, les ministres,
Les mouchards ! Tuons tout ! c'est un tas de bandits !
Et l'enfant leur cria : — Mais puisque je vous dis
Que c'est mon père ! — Il est joli, dit une femme,
Bel enfant ! — On voyait dans ses yeux bleus une âme ;
Il était tout en pleurs, pâle, point mal vêtu.
Une autre femme dit : — Petit, quel âge as-tu ?
Et l'enfant répondit : — Ne tuez pas mon père !
Quelques regards pensifs étaient fixés à terre,