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Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/330

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Les poings ne tenaient plus l'homme si durement.
Un des plus furieux, entre tous inclément,
Dit à l'enfant : — Va-t-en ! — Où ? — Chez toi. — Pourquoi faire ?
— Chez ta mère. — Sa mère est morte, dit le père.
— Il n'a donc plus que vous ? — Qu'est-ce que cela fait ?
Dit le vaincu. Stoïque et calme, il réchauffait
Les deux petites mains dans sa rude poitrine,
Et disait à l'enfant : — Tu sais bien, Catherine ?
— Notre voisine ? — Oui. Va chez elle. — Avec toi ?
— J'irai plus tard. — Sans toi je ne veux pas. — Pourquoi ?
— Parce qu'on te ferait du mal. — Alors le père
Parla tout bas au chef de cette sombre guerre :
— Lâchez-moi le collet. Prenez-moi par la main,
Doucement. Je vais dire à l'enfant : À demain !
Vous me fusillerez au détour de la rue,
Ailleurs, où vous voudrez. — Et, d'une voix bourrue :
— Soit, dit le chef, lâchant le captif à moitié.
Le père dit : — Tu vois. C'est de bonne amitié.
Je me promène avec ces messieurs. Sois bien sage.
Rentre. — Et l'enfant tendit au père son visage,
Et s'en alla, content, rassuré, sans effroi.
— Nous sommes à notre aise à présent, tuez-moi,
Dit le père aux vainqueurs ; où voulez-vous que j'aille ? —
Alors, dans cette foule où grondait la bataille,
On entendit passer un immense frisson,
Et le peuple cria : Rentre dans ta maison !