Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/90

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Leur âne, leur cochon, leur orge, leur avoine ;
Mais il se gênait moins avec le sac du moine ;
Il n'écrasait pas tout dans ce qu'on nomme droit ;
Si quelqu'un avait faim, si quelqu'un avait froid,
Ce n'était pas son nom qui sortait de la plainte ;
La malédiction, cette voix fauve et sainte,
Ne le poursuivait point dans son farouche exil ;
Aux actions des rois il fronçait le sourcil.
Un jour, devant un fait lugubre et sanguinaire,
— Ces hommes sont méchants, et plus qu'à l'ordinaire,
Cria-t-il. A-t-il donc neigé rouge aujourd'hui ? —
Les rois déshonoraient la montagne ; mais lui
N'importunait pas trop l'ombre du grand Pélage.
Voilà ce que disaient de lui dans le village
Les pâtres de Héas et de l'Aquatonta.
Du reste confiant et terrible. Il lutta
Tout un jour contre un ours entré dans sa tanière ;
L'ours, l'ayant habitée à la saison dernière,
La voulait ; vers le soir l'ours fatigué râla.
— Soit, nous continuerons demain matin. Dors là,
Dit l'homme. Il ajouta : — Fais un pas ! je t'assomme !
Puis s'endormit. Au jour, l'ours, sans réveiller l'homme
Et se souciant peu de la suite, partit.


V LE CASTILLO