Page:Hugo - Les Châtiments (Hetzel, 1880).djvu/185

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Les morts, au boulevard Montmartre,
Rôdent, montrant leur plaie au cœur.
Pâtés de Strasbourg et de Chartre ;
Sous la table, un tapis de martre ;
Les belles boivent au vainqueur,
Et leur sourire offre leur âme,
Et leur corset offre leur sein. —
Sonne aujourd’hui le glas, bourdon de Notre-Dame,
Et demain le tocsin !

Captifs, expirez dans les fièvres.
Vous allez donc vous reposer !
Dans le vieux saxe et le vieux sèvres
On soupe, on mange, et sur les lèvres
Éclôt le doux oiseau baiser ;
Et, tout en riant, chaque femme
En laisse fuir un fol essaim. —
Sonne aujourd’hui le glas, bourdon de Notre-Dame,
Et demain le tocsin !

La Guyane, cachot fournaise,
Tue aujourd’hui comme jadis.
Couche-toi, joyeux et plein d’aise,
Au lit où coucha Louis seize,
Puis l’empereur, puis Charles dix ;
Endors-toi, pendant qu’on t’acclame,
La tête sur leur traversin. —
Sonne aujourd’hui le glas, bourdon de Notre-Dame,
Et demain le tocsin !