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Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/442

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Aucune perte de beauté ne résulte de la bonté. Le lion, pour avoir la faculté de s’attendrir, est-il moins beau que le tigre ? Cette mâchoire qui s’écarte pour laisser tomber l’enfant dans les bras de la mère, retire-t-elle à cette crinière sa majesté ? Le vaste verbe du rugissement disparaît-il de cette gueule terrible parce qu’elle a léché Androclès ? Le génie qui ne se court pas, fût-il gracieux, est difforme. Le prodige qui n’aime pas est monstre. Aimons ! aimons !

Aimer n’a jamais empêché de plaire. Où avez-vous vu qu’il puisse y avoir exclusion d’une forme du bien à l’autre ? Au contraire, tout le bien communique. Entendons-nous pourtant, de ce qu’on a une qualité, il ne s’ensuit point qu’on ait nécessairement l’autre ; mais il serait étrange qu’une qualité ajoutée à l’autre fût une diminution. Être utile, ce n’est qu’être utile ; être beau, ce n’est qu’être beau ; être utile et beau, c’est être sublime. C’est ce que sont saint Paul au premier siècle, Tacite et Juvénal au deuxième, Dante au treizième, Shakespeare au seizième, Milton et Molière au dix-septième.

Nous avons tout à l’heure rappelé un mot devenu fameux : l’Art pour l’Art. Expliquons-nous à ce propos une fois pour toutes. A en croire une affirmation très-générale et très-souvent