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Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/444

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APPENDICE.

cita une vive joie dans l’armée. Le bruit en fut si grand que les Grecs prirent l’alarme, et, s’étant imaginés qu’on venait les attaquer, ils passèrent une fort mauvaise nuit. Enfin, un de leurs espions rentra au camp et dit au prince que nous avions reçu des renforts. Les musulmans et les Grecs se battirent tous les jours jusqu’à l’heure de midi ; alors les deux partis se retiraient dans leurs camps respectifs et le combat cessait. Ibn-ez-Zobeir présida le lendemain à la prière du matin ; il marcha ensuite au combat avec les musulmans, et fit éprouver à l’ennemi des pertes considérables. N’ayant pas vu Ibn-Sâd parmi les combattants, il demanda où il était, et apprit que depuis quelques jours, ce chef ne sortait plus de sa tente. Comme Ibn-ez-Zobeir n’avait pas encore eu d’entrevue avec lui il alla le trouver, et après l’avoir salué, il lui communiqua les instructions d’Othman[1] et demanda le motif qui le retenait loin du combat. Ibn-Sâd lui répondit : Le prince des Grecs a fait faire cette proclamation en langue grecque et arabe par la voix d’un héraut : Grecs et Musulmans ! quiconque tuera Abd-Allah-Ibn-Sâd aura ma fille en mariage avec cent mille dinars. Or, sa fille était d’une beauté merveilleuse ; elle l’accompagnait à cheval au combat, habillée des étoffes les plus riches et portant sur sa tête un parasol en plumes de paon[2]. Et tu n’ignores pas, continua Ibn-Sâd,

  1. Ibn-ez-Zobeir, chargé par le khalife d’une mission très-importante, arrive au camp, préside à la prière et prend part au combat avant d’avoir communiqué ses dépêches au général en chef !
  2. Voici le récit d’Ibn-ez-Zobeir lui-même, tel qu’il est rapporté dans le Kitab-el-Aghani (voyez p. 79 de ce volume) et tel qu’il a été reproduit par plusieurs historiens : « Djoredjîr, souverain de l’Ifrîkïa et roi des Francs, nous cerna avec cent vingt mille hommes (?) ; quant à nous, nous étions vingt mille. Les musulmans, réduits aux abois, ne s’accordaient plus sur ce qu’il fallait faire ; et Abd-Allah-Ibn-Sâd s’était retiré dans sa tente pour y être seul et réfléchir sur sa position, quand je vis, moi, l’occasion de surprendre Djoredjîr. Il était derrière son armée, monté sur un cheval gris et accompagné de deux jeunes filles qui le garantissaient du soleil avec des plumes de paon. Je me rendis aussitôt à la tente d’Abd-Allah-Ibn-Sâd, et je demandai au chambellan la permission d’entrer. Cet officier me répondit : « Il s’occupe, en ce mo-