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Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/445

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EN-NOWEIRI.

que la plupart de ceux qui m’accompagnent ont été nouvellement convertis à l’islamisme ; ainsi je dois craindre que l’offre de Djoredjîr ne les porte à me tuer ; voilà la raison de mon absence du combat. — « Chasse cette crainte de ton âme, répondit Ibn-ez-Zobeir, et fais proclamer dans ton armée, et de sorte que les Grecs puissent l’entendre : Musulmans et Grecs ! quiconque tuera le prince Djoredjîr aura sa fille et cent mille dinars. Cette proclamation vaudra bien l’autre. Ibn-Sâd suivit ce conseil, et quand le chef des Grecs entendit la proclamation, son cœur fut rempli d’effroi pendant que celui de notre général en fut délivré. La guerre continua de la même manière qu’auparavant,


    ment, de nos affaires, et il m’a ordonné de n’admettre personne. » Alors je passai derrière la tente et en ayant soulevé le bord inférieur, je me trouvai en présence du général, qui venait de se jeter sur son lit. En me voyant, il fut saisi de crainte et s’écria : « Qui t’amène ici, Ibn-ez-Zobeir ? » Je lui répondis : « Voilà bien l’homme velu ; ils sont tous poltrons ! Je viens de découvrir une occasion favorable pour surprendre notre ennemi, et je crains qu’elle ne m’échappe ; viens donc avec moi et dis aux troupes de me seconder. » De quoi s’agit-il, dit Ibn-Sâd ? Je le lui fis connaître, et il s’écria aussitôt : « Par ma vie ! l’occasion est belle. » Il sortit alors, et voyant ce dont je m’étais déjà aperçu, il ordonna aux soldats de me seconder. Ayant fait choix de trente cavaliers, je leur dis : « Pendant que je charge sur l’ennemi, empêchez que je ne sois assailli par derrière, et je vous réponds, s’il plaît à Dieu, de quiconque se trouvera sur mon chemin. » Je m’élançai alors vers l’endroit où j’avais remarqué Djoredjîr ; les cavaliers me suivirent en me protégeant ; et, ayant percé les rangs de l’ennemi, j’entrai dans un terrain ouvert et je courus sur ce chef. Ainsi que la plupart des siens, il me prit pour un messager ; mais, voyant que j’étais armé, il tourna bride et s’enfuit. Je l’atteignis promptement et, l’ayant renversé à terre d’un coup de lance, je me précipitai sur lui. Les jeunes filles cherchèrent à le protéger contre le coup d’épée que j’allais lui asséner, et l’une d’elles en eut la main abattue. Ayant achevé mon adversaire, je plaçai sa tête au bout de ma lance et l’élevai en l’air. Alors la confusion se mit parmi ses troupes, les musulmans se portèrent vers l’endroit où je me trouvais ; ils firent un grand carnage de l’ennemi et la déroute fut complète. Ibn-Sâd me dit alors : « Personne n’est plus digne que toi de porter au khalife la nouvelle de cette victoire. »
    On voit que dans ce récit il n’est pas fait la moindre mention de la fille de Djoredjîr, mais on y reconnaît quelques traits qui ont servi au faussaire pour confectionner la légende de cette belle amazone.