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EN-NOWEIRI.

Devenu musulman pendant le gouvernement d’Abou-’l-Mohadjer, il fut si sincère dans sa conversion que celui-ci en parla à Ocba qui venait d’arriver, et l’instruisit de la grande influence que Koceila exerçait sur les Berbères. Ocba ne fit aucune attention à cette recommandation ; au contraire, il ne témoigna pour le néophyte que de l’indifférence et du mépris. Parmi les traits insultants qu’il se permit envers lui, on raconte le suivant : il venait de recevoir des moutons, et voulant en faire égorger un, il ordonna à Koceila de l’écorcher. « Que Dieu dirige l’émir vers le bien ! lui dit le chef berbère, j’ai ici mes jeunes gens et mes serviteurs qui pourront m’éviter cette peine. » Ocba y répondit par des paroles offensantes et lui ordonna de se lever [et sortir]. Koceila se retira en colère, et, ayant égorgé le mouton, il essuya sa main encore sanglante sur sa barbe. Quelques Arabes s’approchèrent alors et lui dirent : « Que fais-tu, Berbère ? » à quoi il répondit : « Cela est bon pour les poils. » Mais un vieillard d’entre les Arabes passa et s’écria : « Ce n’est pas pour cela ; c’est une menace que ce Berbère vous fait ! » Alors Abou-’l-Mohadjer s’adressa à Ocba et lui dit : « Que viens-tu faire ! voilà un homme des plus distingués parmi son peuple, un homme qui était encore polythéiste il y a peu de temps ; et tu prends à tâche de faire naître la rancune dans son cœur ! je te conseille maintenant de lui faire lier les mains derrière le dos, autrement tu seras victime de sa perfidie. » Ocba méprisa cet avis, et Koceila, qui était en correspondance avec les Roum, profita d’un instant favorable et pris la fuite. Bientôt après, il se vit entouré de ses cousins, de ses gens et d’une foule de Roum. Abou-’l-Mohadjer recommanda alors à Ocba de l’attaquer sans lui donner le temps d’organiser ses forces ; car, pendant toute cette expédition, Ocba menait Abou-’l-Mohadjer avec lui et le tenait dans les fers. Il marcha donc contre Koceila, et celui-ci se retira devant lui. Alors les Berbères dirent à leur chef : « Pourquoi reculer ? ne sommes-nous pas cinq mille ? » — « Chaque jour, leur répondit Koceila, va grossir notre nombre et diminuer le sien : une grande partie de ses forces l’a déjà quitté, et j’attends, pour l’attaquer, qu’il s’en retourne vers l’Ifrîkïa. » Quant à Abou-’l-Mohadjer, il prononça