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APPENDICE.

§ XI. — GUERRE DE HASSAN AVEC LA KAHENA ; DÉVASTATION DE L’IFRÎKÏA, ET MORT DE LA KAHENA.

L’historien dit : Hassan demanda alors quel était le prince le plus puissant qui restait encore en Ifrîkïa, et on lui désigna une femme qui gouvernait les Berbères, et qui était généralement connue sous le nom d’El-Kahena[1]. « Elle demeure, dirent-ils, au Mont-Auras ; elle est d’origine berbère, et depuis la mort de Koceila, les Berbères se sont ralliés à elle. » Cette femme prédisait l’avenir, et tout ce qu’elle annonça ne manqua pas d’arriver. On lui parla encore de la puissance qu’elle exerçait, en l’assurant que la mort d’une personne aussi redoutable pourrait seule mettre un terme aux révoltes des Berbères. La Kahena, avertie que Hassan s’était mis en marche pour l’attaquer, fit démolir la forteresse de Baghaïa, dans la pensée que c’était à la possession des places fortes que visait le général musulman. Hassan s’avança pourtant contre elle sans se soucier de ce qu’elle venait de faire, et il lui livra bataille sur le bord de la rivière Nîni. Après un combat acharné, les musulmans furent mis en déroute ; un grand nombre d’entre eux perdit la vie, et plusieurs des compagnons de Hassan furent faits prisonniers. La Kahena les traita avec bonté, et les renvoya tous, à l’exception de Khaled-Ibn-Yezîd de la tribu de Caïs, homme distingué par son rang et par sa bravoure, qu’elle adopta pour fils[2]. Hassan évacua alors l’Ifrîkïa, et écrivit à Abd-el-Mélek pour l’informer de sa position. Le khalife répondit à sa lettre en lui enjoignant de rester où il était jusqu’à nouvel ordre ; aussi Hassan demeura dans la province de Barca pendant cinq ans. L’endroit où il s’était établi reçut le nom de Cosour Hassan (les châteaux de Hassan). La Kahena, devenue maîtresse de toute l’Ifrîkïa, tyrannisa les habitants de ce pays. A la fin, Abd-el-Mélek envoya à Hassan des trou-

  1. En arabe le mot Kahena signifie devineresse ; en hébreu Kohen veut dire prêtre. Ibn-Khaldoun nous apprend que cette femme professait le judaïsme.
  2. Khaled témoigna sa reconnaissance de cette faveur en ouvrant une correspondance secrète avec Hassan, pour le tenir au courant de toutes les démarches de la Kahena.