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Page:Janin - La Bretagne, 1844.djvu/12

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verses contrées avec soin, avec zèle, avec respect. Noble étude, qui consiste à remonter de la province au royaume, à savoir le royaume pour mieux savoir la province ; noble étude, à laquelle l’histoire préside, et avec l’histoire tous les grands hommes qui l’ont faite, les hommes de la paix, les hommes de la guerre, le soldat et le poëte, le philosophe et l’artiste, les belles personnes et les gentilshommes, le peuple et le rot ; œuvre immense de la patience et du génie, à laquelle tout contribue, le temps qui passe, le législateur qui fonde, le peuple qui obéit, le souverain qui commande, le soleil qui éclaire, la mer qui féconde, la liberté qui agrandit la terre, la Providence qui mène le monde. Ainsi vue de très-haut, l’histoire n’a pas de landes stériles, elle est la même pour chacun et pour tous, histoire du village qui se repose à l’ombre nourricière de la charrue, n’a pas moins intérêt et ne porte pas en elle-même moins d’émotions, que les annales de la cité superbe tout occupée à repousser des sièges ou à porter l’invasion chez les peuples voisins ; le paysan dans sa cabane n’est pas moins digne de notre étude et de notre sympathie, que le baron dans son manoir féodal. Entendez-vous toutes ces voix diverses qui s’élèvent de chaque partie de la France ? Que de bruits, que de clameurs, que de travaux, que de halles laborieuses, les armes à la main ! Que d’épées brisées, que de charrues fatiguées ! que de génie et de courage dépensés à combler la distance qui sépare les provinces de la France ! Eh bien ! pour être justes envers toutes les parties de ce grand territoire, il les faut interroger l’une après Vautre ; il faut rechercher patiemment leurs titres de noblesse, et leurs travaux passés, et les espérances présentes, et les luttes d’autrefois, et les mœurs et les croyances, et le paysage, et tout ce qui fait dire aux cœurs bien nés : Que la patrie est chère ! Et, croyez-nous, ce sera un grand jour quand chaque fragment de la patrie commune aura rencontré son historien actif et studieux ; alors seulement de ces provinces bien étudiées et de cette réunion d’études faites avec soin et conscience, se composera la grande histoire, — l’histoire de toutes ces races diverses, de toutes ces villes, de tous ces hameaux, de ces fleuves, de ces mers, des sceptres et des épées, et en un mot de tous les nobles outils de la civilisation humaine : — serfs attachés à la glèbe, soldats qui suivent leurs capitaines, magistrats qui fondent les lois, prêtres qui enseignent l’Évangile, peuple qui se réveille, bataille, tumulte, royaume, république, empire, liberté !

L’histoire que nous écrivons aujourd’hui est une des histoires les