Page:Janin - La Bretagne, 1844.djvu/16

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fonds silences, vaste campagne, vaste nature. La province est traversée, dans la direction de l’ouest, par deux chaînes de montagnes peu élevées. De ces hauteurs plus humaines descendent toutes sortes de petits ruisseaux sans nom qui arrivent à la mer aussi inconnus qu’au départ. Ces beaux petits filets d’eau, d’une limpidité si charmante, rafraîchissent le paysage : paysage rempli d’une sauvage grandeur, de surprises naturelles, de souvenirs ; les bruyants orages passent sur la tête du laboureur sans la toucher ; ciel nuageux ; mais, quand le rayon vainqueur perce la nue, toute la limpidité éclatante des soleils du Nord.

La question des origines de la race bretonne a été le sujet inépuisable de dissertations sans nombre et de livres sans fin[1]. Les uns parlent, à propos de la Bretagne, d’une colonie phénicienne qui s’était établie sur la côte occidentale de la Gaule, favorisée par le commerce que la reine des mers entretenait avec Thulé et les îles Cassitérides. Cette colonie devint riche et florissante ; elle s’étendit de proche en proche, elle finit par peupler toute cette île et par coloniser à son tour les îles Britanniques. Ce système repose principalement sur une prétendue analogie entre la langue celtique et l’ancien idiome des Phéniciens et des Carthaginois. Malheureusement, il paraît que la langue phénicienne est tout à fait perdue, et même il est impossible de juger à quel point les hypothèses fondées sur les étymologies entassées par le savant Bochart et par les étymologistes à sa suite, méritent la confiance des bonnes gens qui, même en fait d’origines, n’aiment pas à remonter trop haut.

Voici la seconde hypothèse ; au moins elle repose sur un son, sur une analogie, sur quelque chose de plus que rien, et on peut l’adopter à tout hasard. Donc les philologues modernes ont découvert, et non sans quelque surprise, que les mêmes sons qui se répètent depuis deux mille ans dans les chaumières de la Bretagne et du pays de Galles se conservent depuis bientôt trois mille années dans la langue sacrée des pagodes de l’Inde. S’il en est ainsi, un fait précieux resterait acquis à la science : la race celtique, comme presque toutes les races occidentales, appartient à la race indo-germanique ; elle se lie au berceau commun du genre humain, par les Romains, par les

  1. Un digne historien breton, avoue naïvement qu’il ne sait rien de ces origines : « À l’égard de l’origine des Bretons, j’avoue que je ne la connais pas. »
    Abrégé de l’Histoire de Bretagne, de M. d’Argentré, par M. Lesconvel, p. 2.