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renfermait le pays Messin, Verdun, Bar, Toul et une partie de la Touraine. — La deuxième Belgique comprenait le Cambrésis, une partie de la Picardie, la Flandre française, le territoire d’Amiens, le Beauvoisis, le Valois, le Soissonnais, une partie de la Champagne, le territoire de Reims, de Laon et de Châlons. — La première Germanie, qui s’étendait sur les deux rives du Rhin, comprenait, dans notre province d’Alsace, Strasbourg, Saverne et Neuf-Brisac. Et notez bien que chacune de ces contrées avait ses peuples à part ; ces peuples avaient leurs noms, leurs origines, leurs histoires, leurs grands hommes, leur dialecte enfin.

Les Celtes Armoriques[1] se rappelaient confusément les Phéniciens, qui, les premiers, avaient touché ces rivages, pendant que les Celtes de l’Irlande se servaient, non pas des caractères grecs, mais d’un alphabet de leur invention. De tous ces idiomes mêlés et confondus, est résulté le galique, une langue qui se parle encore dans plusieurs des îles Britanniques. Le galique se divise en plusieurs idiomes : le kumbre (kimri, ou le celto-Belge, dont on rencontre des traces dans la Belgique et dans la Flandre), enfin le breyzad, ou le bas-breton, que parlent encore les paysans de la Bretagne[2].

Le bas-breton même n’a pas moins de quatre sous-dialectes qui répondent à la langue vulgaire du Finistère, du Morbihan, d’une partie des Côtes-du-Nord : le léonard ou léaunais, qui se parle sur le territoire de Saint-Pol-de-Léon ; le trécosien, qui est le patois de Trégué ; le cornouiller fêté à Quimper-Corentin ; le valteux, qui est la langue du territoire de Vannes ; quatre langues différentes qui ne se parlent qu’aux lieux mêmes où elles ont eu leur origine, à ce point que le paysan de Trégué serait à peine compris par le paysan de Cornouaille. Langue simple et primitive, énergique, austère, tout entière consacrée à parler de l’agriculture, des travaux des champs, des périls de la mer. À peine si de tous ces dialectes est sortie par hasard une chanson populaire ; et parmi toutes ces chansons, à peine si l’on en cite une ou deux qui soient restées fidèlement dans la mémoire de ces campagnes ; seulement il en est une qui est célèbre, elle commence par

  1. Du mot breton armorik, composé de la préposition ar, sur, et du substantif morik, diminutif de more, mère.
  2. Le breyzad s’écrit avec vingt-deux lettres : on y remarque l’n nasale, le j, le ch, l’l mouillée des Français et le ch des Allemands. Cette langue n’a pas de voyelles muettes à la fin des mots, comme en français, en allemand, etc. Elle a plusieurs lettres aspirées. On n’y prononce pas toujours toutes les consonnes écrites, et quelques-unes même se changent en d’autres consonnes plus douces. — Voyez l'Atlas ethnographique de M. Ad. Balbi.