Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
103
le chien d’or

était infidèle et parjure, lui ; mais elle, la mort seule la délierait de ses serments !

Les heures suivirent les heures, et chacune lui parut un siècle de souffrance. Le délire s’emparait de ses esprits. Elle crut entendre la voix de son père en colère, qui l’appelait par son nom ; elle crut entendre les anges accusateurs, qui se moquaient d’elle à cause de sa faute. Elle s’affaissa dans un sombre désespoir, suppliant Dieu de mettre fin à sa misérable existence.

Bigot entra. Il la releva en lui murmurant des paroles de pitié. Elle porta sur lui un regard si plein de reconnaissance, qu’il en aurait été touché, s’il n’avait pas été de pierre. Mais elle exagérait le sens de ses paroles. Il était trop ivre pour réfléchir, trop insouciant pour rougir de sa démarche.

— Caroline, lui dit-il, que faites-vous ici ? C’est le temps de s’amuser, et non de prier. La noble compagnie qui est dans la grande salle, désire présenter ses hommages à la dame de céans. Venez avec moi.

Il lui offrit le bras avec une grâce, qui lui faisait rarement défaut, même dans ses plus mauvais moments. Caroline le regarda tout étonnée, sans comprendre.

— Aller avec vous ! balbutia-t-elle, je le veux bien, vous le savez, mais où m’emmenez-vous ?

— Dans la grande salle. Mes nobles hôtes désirent vous voir et rendre hommage à votre beauté.

Elle comprit ce qu’il voulait. Ce fut un éclair. Elle ne s’était jamais sentie tant offensée dans sa dignité de femme. Pâle de honte et de terreur, elle retira vivement sa main.

— Monter à la grande salle ! frémit-elle, en reculant toujours, aller me donner en spectacle à vos convives ? François Bigot ! épargnez-moi cette honte et cette humiliation ! Je suis devenue méprisable, je le sais, mais, Ô ! mon Dieu ! je ne suis point assez vile encore n’est-ce pas, pour être montrée comme une infâme, à ces hommes ivres qui m’appellent à grands cris ! oh ! non !