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le chien d’or

et ayant reçu la confidence de ce qui causait chez elle un chagrin mortel, ils la conduisirent à travers les bois épais, vers la ville de Québec.

C’est là qu’elle espérait retrouver l’Intendant. Elle ne voulait pas lui reprocher sa perfidie ; elle l’aimait trop pour cela. Mais elle voulait implorer sa pitié, ou mourir à sa porte, s’il demeurait insensible. Tel avait été le rêve insensé qui avait égaré sa pauvre tête, et lui avait fait entreprendre une démarche inexcusable !

Et voilà comment la belle et noble Caroline de Saint Castin, ainsi que nous l’avons déjà expliqué, se trouvait à Beaumanoir.

IV.

Mademoiselle de Saint-Castin avait passé dans la prière, les larmes et les gémissements, cette nuit de débauche. Elle pleurait sur elle-même et sur Bigot, dont elle connaissait maintenant la dépravation. Parfois, dans son désespoir, elle accusait la Providence d’injustice et de cruauté ; parfois, à la vue de sa faute immense, elle se disait que toutes les peines de la terre ne sauraient la racheter, et que la mort et le jugement de Dieu, pouvaient seuls l’en punir justement.

Toute la nuit, à genoux au pied de l’autel, elle avait demandé miséricorde et pardon. De temps en temps, quand un écho de l’orgie venait jusqu’à elle, et faisait frémir la porte de sa chambre, elle se levait terrifiée. Mais personne ne descendit près d’elle pour la consoler ! personne ne vit sa désolation ! Elle se croyait oubliée de Dieu et des hommes.

Parfois aussi elle distinguait, dans ce concert infâme, la voix de l’Intendant, et elle se demandait comment elle avait pu aimer autant cet homme. Et pourtant, elle était obligée de s’avouer qu’elle serait encore prête à faire pour le revoir, ce qu’elle avait fait depuis. Elle l’aimerait toujours cet ingrat ! Il