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le chien d’or

III.

Cette existence enchantée ne dura que quelques mois. Un jour Bigot reçut des lettres de Versailles. C’était sa patronne, la marquise de Pompadour, qui lui déclarait qu’elle allait lui trouver une femme à la cour. Bigot était trop lâche courtisan pour repousser l’intervention de cette femme, et pas assez franc pour faire connaître sa position à sa fiancée. Il remit son mariage à plus tard. Les exigences de la guerre l’appelèrent ailleurs. Il avait gagné le cœur d’une pauvre femme trop confiante, mais il avait trop appris à l’école dissolue de la régence, pour sentir, en s’éloignant de la plus aimée de ses victimes, autre chose qu’un regret passager.

Quand il quitta l’Acadie, l’Acadie tombée aux mains des Anglais, il quitta aussi le seul cœur véritablement aimant, qui crut encore en son honneur, et fit des vœux pour sa fidélité.

L’heure du désenchantement arriva bientôt pour Caroline. Elle ne put se le cacher, l’homme qu’elle aimait avec tant d’ardeur et de fidélité, l’avait lâchement trompée, lâchement abandonnée.

Elle apprit qu’il occupait la haute position d’Intendant de la Nouvelle-France, mais elle se sentit oubliée, comme la rose qui avait fleuri et s’était desséchée dans son jardin sous les soleils d’autrefois.

Lors de la perte de la colonie, son père avait été appelé en France. Il allait revenir. Jamais, elle le savait bien, il ne lui pardonnerait d’entretenir un amour méprisé. Ce serait avec une implacable sévérité qu’il repousserait tout projet de revoir celui qu’elle aimait avec tant de passion. Dans une heure d’aberration causée par le plus violent désespoir, elle s’enfuit de la maison, et s’en alla chercher un refuge dans la forêt, chez ses parents éloignés, les Abénaquis.

Les Indiens l’accueillirent avec un grand plaisir, et un profond respect : ils reconnaissaient ses droits à leur dévouement, à leur obéissance.

Ils lui firent chausser les mocassins de la tribu,