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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/133

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le chien d’or

et vint lui serrer la main. Jean avait été un serviteur de Tilly, et le jeune seigneur était trop bien élevé pour ne pas témoigner quelque égard, même au plus humble de ceux qu’il avait connus.

— Eh bien, Jean, dit-il amicalement, le vieux passeur a-t-il bien de la besogne aujourd’hui ?

— Non, votre honneur ; mais hier, par exemple, je crois que la moitié de la rive nord a traversé pour aller à la corvée du roi. Les hommes venaient travailler et les femmes suivaient les hommes.

Il regarda Babet d’un œil provocateur. Elle répliqua hardiment :

— Et pourquoi les femmes ne suivraient-elles pas les hommes ? Ils sont assez rares dans la Nouvelle-France, depuis que cette guerre affreuse est commencée ; on peut bien prendre soin de ceux qui restent.

— C’est vrai comme un sermon du dimanche, répondit Jean, et l’autre jour, continua-t-il, ce noble étranger qui est l’hôte de son excellence le gouverneur, disait, ici même, dans ma propre barque, qu’il y a maintenant quatre femmes pour un homme dans la Nouvelle-France. Si c’est vrai, Babet, et tu sais qu’il a dit cela ; tu en étais assez fâchée, — si c’est vrai, un homme vaut beaucoup maintenant, et les femmes sont communes comme les œufs à Pâques.

— C’est vrai que ce monsieur ne s’est pas gêné pour parler ! exclama Babet vivement, mais il perdait moins son temps, quand il cueillait des herbes pour en emplir son livre !

— Allons ! allons ! fit Le Gardeur interrompant cette discussion sur la population, la Providence connaît le mérite des femmes canadiennes, et elle ne saurait nous en donner trop. Nous sommes pressés d’arriver, Jean ; embarquons ! Ma tante et Amélie sont ici dans l’ancienne demeure ; elles seront bien aises de vous voir, ainsi que Babet, ajouta-t-il avec bonté en mettant le pied sur le bateau.