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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/134

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le chien d’or

V

Babet fit sa plus gracieuse révérence, et Jean, tout à son devoir, lança sa barque avec les deux gentilshommes et leurs chevaux, à travers les flots clairs de la rivière St. Charles. Il accosta au quai du roi. Les cavaliers se remirent en selle, passèrent devant le vaste palais de l’Intendant, montèrent la côte des chiens s’enfoncèrent sous la porte de la Côte de la Canoterie, qui a depuis pris le nom de porte Hope, et disparurent aux yeux de Babet, qui les avait suivis avec un sentiment d’admiration. Elle était surtout occupée du bel officier en uniforme ; il s’était montré si poli, si généreux, le matin !

— J’avais peur, Jean, que tu ne fisses quelqu’allusion à mademoiselle Des Meloizes, dit-elle à son mari, dès qu’il fut de retour, les hommes sont si indiscrets !

— Sur un bateau qui fait eau, Babet, n’embarquez pas de femmes, vous iriez vite au fond. Mais pourquoi me parles-tu de mademoiselle Des Meloizes ?

Une heure auparavant, l’honnête Jean avait traversé dans sa barque la belle jeune fille, et s’il n’en dit rien à Le Gardeur, ce ne fut pas manque d’envie assurément.

— Pourquoi parler de mademoiselle Des Meloizes ? reprit Babet, parce que tout Québec sait que le seigneur de Repentigny est fou d’elle ?

— Et pourquoi ne serait-il pas fou d’elle, si cela lui plaît de l’être ? C’est un morceau de roi que cette fille-là, et si Le Gardeur perd pour elle le cœur et la tête, il ne fera que ce qu’ont fait la moitié des galants de Québec.

— Oh ! Jean ! Jean ! il est facile de voir que tu as encore des yeux et un cœur…

Et Babet se mit à tricoter avec une vigueur nouvelle.

— J’avais des yeux pour te voir, Babet, quand je t’ai choisie, et j’avais un cœur pour t’aimer, fit Jean en éclatant de rire.

Babet paya le compliment d’un charmant sourire.