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le chien d’or

les gouverneurs des colonies ne peuvent entreprendre que par ordre du roi, des ouvrages comme ceux de Québec. C’est donc le désir de Sa Majesté que Votre Excellence suspende les travaux commencés, dès qu’elle aura reçu la présente dépêche. Plus les fortications sont étendues et plus il faut de troupes pour les défendre. Or, la guerre d’Europe a complètement épuisé les ressources du royaume. Il est donc impossible de continuer la guerre ici, et de payer à tout instant des rançons énormes pour l’Amérique du Nord. »

VIII.

Le secrétaire plia la dépêche et reprit son siège, sans qu’une ligne de son visage ne trahît sa froide impassibilité. Il n’en fut pas ainsi des autres. Tous étaient excités, et sur le point de donner libre cours à leur indignation, mais le respect dû au roi les retint. Seul, Rigaud de Vaudreuil, laissa éclater sa colère, dans un juron énergique, et lança ce sarcasme :

— Ils peuvent vendre tout de suite la Nouvelle-France à l’ennemi, s’ils laissent Québec sans défense ! Ils manquent d’argent pour continuer la guerre en Europe ! Oui ! ils peuvent bien en manquer d’argent, pour la guerre ! ils le prodiguent tout aux complaisants et aux arlequins de la cour !

Le gouverneur se leva soudain, en frappant la table, avec le fourreau de son épée. Il voulait arrêter Rigaud dans ses remarques téméraires et dangereuses.

— Pas un commentaire de plus ! Chevalier Rigaud ! dit-il d’un ton bref et sévère, pas une parole ! Ici, l’on parle du roi et de ses ministres avec respect, ou l’on n’en parle pas du tout. Asseyez-vous, chevalier de Vaudreuil ; vous êtes un imprudent.

— J’obéis à votre Excellence. Je suis, je le sais, un imprudent, mais j’ai raison !

Rigaud obéissait, mais il n’était pas dompté. Il avait eu son franc-parler, tout de même. Il se rejeta violemment sur son siège.