Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/171

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
159
le chien d’or

— Oui, Rigaud, c’est comme je vous l’ai dit. Mais il nous faut obéir aux ordres du roi, et ne prononcer son nom qu’avec respect, comme il convient à de fidèles sujets.

— Ventre Saint-Gris ! quel canadien, quel français a-t-il jamais entendu pareille folie ? riposta de Beauharnois. Démantibuler Québec ! Mais, au nom de Dieu ! comment défendre alors les domaines du roi et ses fidèles sujets ?

Rigaud s’animait. Il n’avait pas peur, et n’était pas d’humeur, comme chacun le savait, à cacher sa pensée. Il l’aurait dite au roi lui-même.

— Excellence, continua-t-il, soyez sûre que ce n’est pas le roi qui outrage ainsi la colonie. Ce sont ses ministres, ce sont ses maîtresses ! des gens qui savent bien comment dépenser l’argent qu’il nous faudrait, pour entourer de murailles notre bonne vieille cité ! Oh ! qu’êtes-vous devenus, vieil honneur, antique esprit chevaleresque de ma France bien-aimée ? qu’êtes-vous devenus !

VII.

Rigaud s’assit. Il était furieux. Les officiers ressentaient trop vivement eux-mêmes l’indignation dont il était rempli, pour ne pas lui donner des marques d’approbation. Quelques uns seulement demeurèrent froids : des amis de l’Intendant, qui obéissaient en aveugles aux désirs de la cour.

— Quelle raison Sa Majesté donne belle, pour agir ainsi ? demanda de La Corne St. Luc.

— L’unique raison alléguée se trouve au dernier paragraphe de la dépêche. Je permettrai au secrétaire de lire ce paragraphe, mais rien de plus, avant que l’Intendant arrive.

Le gouverneur jeta sur la grande horloge, dans un coin de la salle, un regard chargé de dépit ; il avait l’air d’appeler sur la tête de l’Intendant, tout autre chose que des bénédictions.

La dépêche disait cyniquement :

« Le comte de La Galissonnière devrait savoir que