Aller au contenu

Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/182

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
170
le chien d’or

eu trop de félicité à la fois, je suis faible devant tant de joies.

— Il est une douce voix intérieure, Maître, qui nous parle ainsi, afin que nous cherchions notre appui dans le ciel et non pas sur la terre où tout passe, où tout est incertain. L’homme qui a vécu de longues années et s’en réjouit, ne saurait oublier les jours de ténèbres, car ils sont nombreux. Nous ne sommes pas étrangers, Maître, aux vanités et aux misères de la vie humaine. Le retour de Pierre est comme un rayon de soleil qui traverse les nuages. Dieu aime que nous nous réchauffions au rayon de soleil qu’il nous envoie.

— C’est juste, madame, et c’est ce que nous allons faire. Les vieux lambris de Belmont vont tressaillir d’allégresse à l’arrivée de leur futur maître.

VII.

Cette dernière parole ravit la vieille dame. Elle savait que Belmont était destiné à Pierre et le Bourgeois avait eu la même pensée qu’elle. C’était à cela sans doute qu’il songeait tout à l’heure.

— Maître, dit-elle, Pierre sait-il que le chevalier Bigot était concerné dans les fausses accusations portées contre vous, et que c’est lui qui, poussé par la princesse de Carignan, fit exécuter l’inique décret de la cour ?

— Je ne crois pas, Débora ; je n’ai jamais dit à Pierre que Bigot fût autre chose que l’avocat du roi, dans la persécution que j’ai endurée. C’est ce qui me trouble au milieu de ma joie. Si Pierre savait que l’Intendant s’est fait mon accusateur, pour plaire à la princesse, il ne remettrait son épée au fourreau qu’après l’avoir trempée dans son sang. C’est à peine si je puis me contenir moi-même.

La première fois que je l’ai rencontré ici, sous la porte du Palais, je l’ai bien reconnu, et je l’ai regardé en pleine face. Il m’a reconnu lui aussi. Il est hardi, l’animal ! et n’a pas baissé les yeux. S’il avait souri je l’aurais frappé. Mais nous sommes passés