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le chien d’or

sans rien dire, échangeant le plus mortel salut, que deux ennemis peuvent échanger. Il est heureux, peut-être, que je n’aie pas eu mon épée ce jour-là, car j’ai senti ma colère s’éveiller. Une chose que je redoute : Pierre ne resterait pas calme comme moi, s’il connaissait l’Intendant comme je le connais, son sang est jeune. Mais je n’ose rien lui dire. Il y aurait tout de suite du sang de répandu, Débora.

— Je le crains en effet, Maître. En France, j’avais peur de Bigot ; j’en ai peur ici, où il est bien plus puissant. Je l’ai vu passer un jour. Il s’est arrêté pour lire l’inscription du Chien d’Or. Il est reparti vite, il avait l’air d’un démon. Il avait bien compris.

— Ah ! et vous ne m’avez pas dit cela, Debora ! fit le Bourgeois.

Et il se leva tout excité. Il reprit :

— Bigot a lu l’inscription, dites-vous ? L’a-t-il toute lue ?

J’espère que chaque lettre a brûlé son âme comme un fer rouge.

— Cher Maître, ce n’est pas là le langage d’un chrétien, et vous ne pouvez en attendre rien de bon. « Je suis le Dieu de la vengeance, dit le Seigneur. »

VIII.

Madame Rochelle allait continuer sa leçon de morale, quand tout à coup un grand bruit monta de la rue. Il était causé par une foule de personnes, — des habitants surtout, — attroupées en face de la maison. Le Bourgeois et sa vieille amie s’interrompirent, vinrent regarder à la fenêtre et aperçurent tous ces gens excités dont le nombre allait toujours grossissant.

C’étaient des curieux qui venaient voir le Chien d’Or dont on parlait tant, et peut-être aussi qui voulaient connaître le bourgeois Philibert, ce grand marchand, défenseur fidèle des droits des habitants, l’adversaire implacable de la Friponne.

Le Bourgeois regardait cette multitude qui croissait toujours : des habitants, des gens de la ville,