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le chien d’or

des femmes, des jeunes gens, des vieillards. Il se dissimulait cependant pour n’être pas vu. Il n’aimait pas les démonstrations, encore moins les ovations. Il put entendre plusieurs voix assez distinctement et comprendre de quoi il s’agissait. Ses regards tombèrent plusieurs fois sur un jeune homme vif et remuant, qu’il reconnut pour Jean La Marche, le joueur de violon, un censitaire de Tilly. C’était un original et tout le monde l’entourait.

— Je veux voir le bourgeois Philibert ! cria tout à coup ce Jean La Marche, c’est le plus honnête marchand de la Nouvelle-France et le meilleur ami du peuple. Vive le Chien d’Or ! À bas ! la Friponne !

— Vive le Chien d’Or ! À bas ! la Friponne ! exclamèrent cent voix.

— Chante donc, Jean, fut-il demandé.

— Pas maintenant, j’ai fait une chanson nouvelle sur le Chien d’Or, je vous la chanterai ce soir… si vous y tenez, c’est-à-dire.

Jean prit un grand air de modestie pour dire cela : il riait sous cap, car il savait bien que sa chanson serait accueillie avec autant d’enthousiasme, à Québec, que l’ariette nouvelle d’une prima dona, à l’opéra de Paris.

— Nous viendrons tous pour l’entendre, Jean… Mais prends garde à ton violon : il va se faire écraser par la foule.

— Comme si je ne savais pas avoir soin de mon cher marmot, répliqua Jean, en élevant l’instrument au-dessus de sa tête. C’est mon seul enfant, continua-t-il. Je le fais rire et pleurer, aimer et gronder, comme je veux, et je puis vous faire faire de même, à vous tous, rien qu’à toucher les cordes de son âme.

Jean était venu à la corvée, le violon sous le bras. C’était son outil. Il ne savait pas qu’Amphion avait bâti les murs de Thèbes en jouant de la lyre, mais il savait que son violon ranimait le zèle des travailleurs. Il disait souriant :

— Mon violon est joyeux comme les cloches de